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France, ta baguette fout le camp !


Ce cri d’alarme franchit l’Atlantique, plus modestement la Manche, il devrait nous interpeler, mais non, les potins politiques et autres cancans masquent notre carence, « France ta baguette fout le camp ! » Bon, et alors ?

Alors n’en avez-vous pas assez de vous repaitre d’un pain insuffisamment cuit, d’un pain fade, ennuyeux, fastidieux, monotone créé et imposé pour un goût universel ? D’ailleurs d’où sort-il ce pain sans goût ? Des fournils ? Aujourd’hui oui mais il est né dans des laboratoires annexés aux supermarchés, il est né avec les supermarchés, condamné à des cuissons incomplètes par souci, notamment, d’économie, de rentabilité. Il s’est étendu aux fournils par réactivité, il est devenu incontournable ou presque, la demande créant l’offre. Pour masquer la fadeur imposée on l’accommode aux lardons, aux noix, aux figues, quand ce n’est pas à la saucisse ou aux tomates, enfin bref c’est du pain sans en être.
Et vous mangez triste.

N’avez-vous pas envie d’un pain dont la croûte croustille, d’un pain qui craque au toucher et sous les dents, d’un pain dont l’odeur vous fait saliver, d’un pain savoureux, parfois déchiré sur les flancs mais tellement extraordinaire, d’un pain au goût sublimé par une cuisson qui respecte le croustillant « à point » ?
Les boulangers amoureux de leur travail déplorent ce goût universel pour le pain incomplètement cuit, indigeste, mou, 80 % de leur clientèle ne demande plus de la baguette bien cuite, faites-leur plaisir, redécouvrez le bon, le vrai pain. Redécouvrez le goût !

Le goût : « la bouche en est le laboratoire et le nez la cheminée » disait Brillat-Savarin. En d’autres termes la sapidité c’est 10 % de saveur et 90 % d’odeur aussi rendez-vous compte du bienfait de la délicieuse odeur d’une baguette convenablement cuite et croustillante !
Eh ou m’sieurs dames, le goût fout le camp et, à force de ne plus savoir ce qu’ils mangent, les Français finissent par ne plus savoir qui ils sont, c’est impardonnable sur cette terre élitiste du goût. Alors, qui devons-nous accuser ? Les chimistes, l’Amérique, les financiers, le temps qui passe ? Probablement, mais avant tout nous-mêmes ! Autrefois…Mais oui autrefois ! Jadis donc, la maman guidait ses enfants vers l’art du bien-manger dans l’apprentissage de quelques bases indispensables, les jeunes filles savaient cuire un œuf au plat, préparer une tarte, accommoder une potée. Aujourd’hui les parents ont abdiqué face à la fascination du petit écran qui vante à longueur d’antenne un prêt-à-manger qui facilite l’emploi du temps, une influence que subissent eux-mêmes les parents. On avale une cochonnerie industrielle farcie d’horreurs sans quitter des yeux les émissions qui célèbrent le formidable héritage gastronomique légué par nos parents. Les sondages sont navrants : 12 % seulement des personnes interrogées sont capables d’énumérer les quatre saveurs du goût, 60 % déclarent savoir bien faire la cuisine mais 65 % ne connaissent pas la composition de la mayonnaise, 77 % sont incapables de distinguer l’odeur de la vanille, 66 % celle de la cannelle, 97 % calent devant le nom du gamay, le cépage du beaujolais, rougissez de honte, Français ! *
Amis, tout comme la mayonnaise, la potée et l’accommodement des restes, le goût s’apprend et c’est pour cela qu’existe Slow Food. Les goûts des vrais aliments, ceux qui poussent ou qui s’élèvent chez nos producteurs ceux confectionnés avec amour dans des labos et fournils artisanaux et refusez les flaveurs insipides que veulent nous vendre avec l’aide de quelques chimistes de moins en moins scrupuleux les agioteurs avides, créateurs du goût unique.
Rejoignez-nous, fréquentez nos ateliers du goût, votre vie retrouvera cette joie qui vous manque tant.
Votre dévoué.
Serge Dupont-Valin

*Avec l’aide de Christian Millau « Dictionnaire amoureux de la gastronomie » Editions Plon.

Chaque mois retrouvez le billet d’humeur de Serge Dupont-Valin, chroniqueur gastronomique, romancier et adhérent Slow Food-Terre Normande.


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