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La France a un incroyable talent


Billet d’humeur Slowfood novembre 2013
Au long des veillées automnales, dans un fauteuil creusé par des lectures passionnantes, je découvre ce mois-ci deux livres attachants. Tous deux concernent notre sensibilité de disciples Slow-Food. L’un, « Invignez-vous », a été écrit par Jacques Dupont en mai de cette année, le second, « La haine de l’arbre n’est pas une fatalité » est l’œuvre d’Alain Baraton, publié ce précédent mois d’octobre.

La France a un incroyable talent, celui de cultiver la vigne comme personne, celui de vinifier avec une science peu commune. Ces deux talents ont été portés, reconnus, exportés, comme un art de vivre, un emblème national, un savoir unique. Or, comme l’affirme Jacques Dupont critique et œnologue reconnu, la France possède aussi la plus ahurissante des spécialités, l’auto-flagellation, le bâton dans les roues, la chaîne et le boulet… Au choix. Avec la loi Evin adoptée en 1991 et toujours en vigueur, nous dénonçons, nous combattons, nous vilipendons ce savoir-faire unique, cet art de vivre que nous envie la planète. Les Américains s’ébahissent de notre longévité et multiplient depuis dix ans l’achat et la consommation de vin rouge, la Chine est devenue le premier client de Bordeaux, en Russie le vin gagne du terrain sur la vodka, au passage le président Russe s’en félicite « C’est un secteur important qui va contribuer à éradiquer l’alcoolisme ». Au Brésil nos exportations de vins de qualité ont progressé de 50 % en acquérant une image haut de gamme, cette reconnaissance mondiale, le vin de France, représente notre seconde rentrée de devises. Et nous, que faisons-nous ? On maudit, on condamne, on montre du doigt, on interdit. Aujourd’hui, sous peine d’amendes lourdes, on ne peut évoquer le vin que sous un aspect général, anonyme, inutile. Aujourd’hui écrit l’auteur, montrer un vigneron labourant au cheval ses vignes de Bourgogne, suivre le travail d’un château toute une année, faire le portrait des nouveaux vignerons du Languedoc, nécessite tout un arsenal juridique. La loi Evin considère qu’il s’agit là d’une publicité pour un produit dangereux et la chaîne TV qui ose diffuser un tel brûlot risque une très forte amende.
Boire du vin en quantité raisonnable, tel qu’on devrait l’enseigner de manière éducative, doit procurer du plaisir. Mais en France, pays où le vin est l’un des fleurons de notre patrimoine, si l’on veut en parler, il faut éviter d’affirmer qu’il donne de la joie, qu’il permet d’échanger, qu’il constitue, pour parler comme les sociologues, un formidable lien social.
Est-ce un appel à l’ivrognerie que « parler vins ? Certes non ! Communiquer permet d’éduquer, connaitre, respecter. Et boire avec modération ce qui est éminemment fameux.
Dans ce pamphlet, Jacques Dupont règle ses comptes et ça fait un bien fou.

Dans ma seconde lecture, Alain Baraton jardinier en chef du grand parc de Versailles, chroniqueur radio éveille notre attention sur les arbres, ces mal-aimés.
Ces pauvres arbres sont en péril de mort comme jamais. Les ormes furent décimés par la graphiose, les arbres du canal du Midi sont exterminés par un chancre doré. Mal incurable les frênes sont atteints par la chalarose, la mineuse ainsi qu’une bactérie redoutable s’attaquent aux marronniers, la sésie fragilise les peupliers, le charançon rouge anéantit les bourgeons des palmiers, une hécatombe ! En cause les échanges internationaux douteux, la propagation par des outils non désinfectés, la perception des arbres plus comme une gêne que comme une utilité.
Mis à l’index, les arbres terreurs des alignements routiers de nos campagnes ont été abattus sans état d’âme. Chantal Pradines, experte auprès du Conseil de l’Europe précise : « Depuis trente ans, en France, à mesure que l’on abattait les arbres, le nombre de victimes des chocs contre les obstacles fixes autres que les arbres a été multiplié par 3 ». Ah oui, c’était si simple de désigner le platane ou le tilleul comme cause des accidents ! Que nenni la vitesse excessive.
Dans nos villes, les arbres souffrent aussi. Vandalisés, tagués, mutilés par des tailles inappropriées, amputés de leurs racines par des travaux de voirie, bitume au ras des troncs, terre pauvre et compacte, le sort des arbres citadins est peu enviable.
Classement d’un arbre au titre du Code de l’urbanisme, loi « Paysage », Code de l’environnement, autant de législation en vigueur censées protéger nos amis les arbres mais dont l’usage n’a plus cours aujourd’hui.
Sait-on encore que les arbres sont indispensables à la vie, au bonheur, à la biodiversité ? Lit-on avec respect tout le travail indispensable des grands arbres, futaies, taillis, halliers, bosquets et autres rideaux ? Ecoute-t-on leur sagesse, considère-t-on la fonction protectrice des larges frondaisons silencieuses ?
Lire Alain Baraton c’est accepter un peu de honte individuelle afin de prendre conscience de l’essentiel. A l’heure où les arbres s’endorment dans un sommeil automnal, observons-les avec un regard nouveau, un regard bienveillant. Notre vie en sera changée.

Serge Dupont-Valin
Auteur

Livres dont extraits :
Invignez-vous Jacques DUPONT Editions Grasset 9.90 €
La haine de l’arbre Alain BARATON Actes Sud 17.50 €


Vos réactions à ce billet


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Par Francois Victor le 22/12/2013 16:27:16 :

Article très intéressant, merci !


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