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Du printemps, de la gourmandise et de notre ambassadeur normand, Guy de Maupassant


Depuis quelques semaines les oiseaux font assaut de pépiements, de roucoulades et ces gazouillis enflent de jour en jour. Quant aux arbres, eux qui dormaient d'un profond sommeil, voilà qu'ils bourgeonnent, rosissent, se parent de mousse crémeuse, voilà qu'ils s'éveillent en aquarelles.

Littérature et gourmandise font souvent bon ménage. En terre normande, pour célébrer le printemps, pourquoi ne pas saluer Guy de Maupassant, écrivain certes universel mais qui exalta notre terroir comme nul autre pareil.
A propos du printemps l’écrivain écrit : « …L’approche des primeurs m’emplit-elle d’une joie délicieuse. De toutes les passions, la plus compliquée, la plus difficile à pratiquer supérieurement, la plus inaccessible au commun, la plus sensuelle au vrai sens du mot, la plus digne des artistes en raffinements, est assurément la gourmandise.

Les véritables gourmands sont rares comme les hommes de génie. Il n’en existe à Paris qu’une dizaine.
Mais tous les grands hommes ont pratiqué ce que Rabelais appelle énergiquement « l’art de la gueule ».
L’histoire est pleine d’exemples admirables.
Le plus illustre des personnages bibliques, Salomon, possédait douze intendants. Chacun d’eux, pendant un mois, dirigeait la table du prince, alors que les onze autres parcouraient le monde en quête de plats inconnus, de combinaisons nouvelles, d’accommodements inaccoutumés.
Il entretenait ainsi parmi eux une émulation constante.
La gourmandise a sur l’amour mille avantages. Mais le plus important, c’est qu’il importe d’être deux pour s’abandonner à celui-ci ; tandis qu’on pratique celle-là tout seul, bien que l’abbé Morellet ait dit : « Pour manger une dinde truffée, il faut être deux : la dinde et soi ».
Un autre gourmet, Montmaur, soupant avec des amis, se trouvait tellement incommodé par leurs plaisanteries bruyantes, qu’il les fit taire brusquement en s’écriant : Eh ! Messieurs, un peu de silence, on ne sait pas ce qu’on mange ». C’est qu’en effet, pour bien apprécier la saveur des choses, il faut dîner avec des compagnons tranquilles, réfléchis, ne parlant guère que des plats servis (ce qui centuple la sensation), et connaisseurs experts, subtils.

Laissons à l’écrivain d’autres propos non avérés concernant la gourmandise. L’auteur des « Contes normands » affectionne une vue étriquée sur la condition sociale des gourmands. Un plat rustique ou un plat familial peut élever le gourmand au titre de gourmet. Mais ce qui importe ici, c’est que l’auteur, chantre du pays normand, associe printemps et gourmandise. En effet les extraits soumis ici sont tirés du chapitre Amoureux et primeurs (« Nous voici entrés depuis quelques jours dans le printemps officiel… »).
La gourmandise multiplie des sens d’éveil, par essence il s’agit d’un acte printanier. On oublie trop souvent qu’un grand chef c’est d’abord un découvreur de talents, celui qui promeut l’artisan maraicher, le fruiticulteur consciencieux, le volailler qui défend les races locales, l’éleveur qui sort ses bêtes en pâtures, et le printemps gourmand, ce sont tous ces producteurs qui le crée.
Il existe le Printemps des Poètes. Et pourquoi Slow Food Terre Normande n’instituerait-il pas le Printemps des Gourmands ?
Affaire à suivre…si vous le voulez bien.

Serge Dupont-Valin

(Extraits des « Chroniques de l’écrivain » par Guy de Maupassant)


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